Travaux supplémentaires du sous-traitant : il doit adresser une facture au titulaire avant d’en réclamer le paiement au maître d’ouvrage 

CAA Marseille, 10-10-2022, 20MA03764

Par cet arrêt du 10 octobre 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille a rappelé les obligations pesant sur le sous-traitant et sur le maître d’ouvrage en matière de paiement direct des prestations exécutées par le sous-traitant. 

En l’espèce, la SAS TEMPSOL a conclu un contrat de sous-traitance, accepté par le maître d’ouvrage et dont les conditions de paiement ont été agréées, avec le titulaire du lot n°2 d’un marché de construction d’une école primaire. Le sous-traitant a, par une demande préalable rejetée implicitement, réclamé le paiement d’une somme totale de 53 755 euros. Par un jugement du 13 août 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui payer cette somme. La SAS TEMPSOL relève appel du jugement. 

La Cour administrative d’appel de Marseille confirme le jugement de première instance en ce qu’il a jugé que le sous-traitant n’était pas fondé à réclamer la somme de 53 755 euros. En revanche, elle infirme la décision en ce qu’elle a rejeté sa demande tendant à l’engagement de la responsabilité pour faute de la commune, maître d’ouvrage. 

En premier lieu, la CAA rappelle les conditions procédurales s’imposant à une demande de paiement direct formulée par le sous-traitant, et découlant de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. 

En vertu de celle-ci, le sous-traitant régulièrement agréé, pour obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage des prestations qu’il a exécutées en application du contrat de sous-traitance, doit adresser sa demande à l’entrepreneur principal, titulaire du marché. À compter de la réception de la demande, le titulaire du marché dispose d’un délai de quinze jours pour l’accepter ou la refuser, son silence valant acceptation. Dès lors que la procédure a été respectée et que le titulaire a donné son accord explicite ou implicite, le maître d’ouvrage peut procéder au paiement direct du sous-traitant. En revanche, la méconnaissance de la procédure fait obstacle à ce que le sous-traitant se prévale d’un droit au paiement direct auprès du maître d’ouvrage (CE, 19 avr. 2017, Département de l’Hérault, n°396174). 

En l’espèce, s’agissant des travaux prévus dans l’acte d’engagement, la SAS TEMPSOL n’a transmis au titulaire du marché que des devis et non les factures dont le paiement est demandé. S’agissant des travaux supplémentaires, quand bien même ceux-ci ont été demandés par le maître d’ouvrage et l’entrepreneur principal, et qu’ils ont bien revêtu un caractère indispensable à la réalisation de l’ouvrage, le sous-traitant s’est également abstenu de transmettre les factures dont le paiement direct était demandé au titulaire du marché. 

Par conséquent, le sous-traitant ne peut réclamer le paiement auprès du maître d’ouvrage de ces travaux. 

La CAA, qui fait application d’une solution qui peut sembler sévère à l’encontre du sous-traitant, suit ici la jurisprudence du Conseil d’État, qui se refuse à écarter les règles procédurales posées par la loi du 31 décembre 1975. En effet, il considère que la procédure que doit suivre le sous-traitant, qui consiste uniquement en la transmission de la demande et des factures au titulaire du marché, est relativement facile à appliquer, d’autant plus que le silence du titulaire récipiendaire des documents est favorable au sous-traitant (G. PELLISSIER, conclusions sur CE, 19 avr. 2017, Département de l’Hérault, n°396174).

Pour obtenir le paiement des travaux supplémentaires par le maître d’ouvrage, le sous-traitant doit, dans un premier temps, adresser à l’entrepreneur principal une facture intégrant le cout desdits travaux supplémentaires. 

En second lieu, la CAA rappelle également les obligations incombant au maître d’ouvrage en matière de paiement direct.

En application des dispositions de la loi du 31 décembre 1975, le Conseil d’État a en effet jugé que le maître d’ouvrage est tenu, « lorsqu'il a connaissance de l'exécution, par le sous-traitant, de prestations excédant celles prévues par l'acte spécial et conduisant au dépassement du montant maximum des sommes à lui verser par paiement direct, de mettre en demeure le titulaire du marché ou le sous-traitant de prendre toute mesure utile pour mettre fin à cette situation ou pour la régulariser, à charge pour le titulaire du marché, le cas échéant, de solliciter la modification de l'exemplaire unique ou du certificat de cessibilité et celle de l'acte spécial afin de tenir compte d'une nouvelle répartition des prestations avec le sous-traitant. » (CE, 2 déc. 2019, Département du Nord, n°422307).

Dans cette hypothèse, l’engagement de la responsabilité pour faute du maître d’ouvrage est conditionné à sa connaissance de l’exécution par le sous-traitant de prestations excédant celles prévues par l’acte spécial. En effet, s’il en a connaissance, cela signifie qu’il est probablement à l’origine de la modification du marché, ou que le titulaire lui a communiqué son intention de faire réaliser par le sous-traitant des prestations excédant celles prévues par l’acte spécial. Dans ce cas, il est tenu de veiller à ce que la situation du sous-traitant soit régularisée. 

En revanche, si le maître d’ouvrage n’a pas connaissance de la réalisation par le sous-traitant de prestations excédant le volume prévu par l’acte spécial, sa responsabilité ne peut être engagée pour faute.

En l’espèce, la commune, maître d’ouvrage, avait bien eu connaissance de la modification du volume des prestations réalisées par le sous-traitant, mais s’est abstenu de mettre en demeure l’entrepreneur principal pour qu’il modifie le montant du plafond du paiement direct figurant dans l’acte spécial.

Elle a donc commis une faute engageant sa responsabilité.

A ce titre, la CAA infirme le jugement de première instance.

Ce qu'il faut retenir

1.
Le sous-traitant doit impérativement adresser sa demande et les factures afférentes au titulaire du marché s’il souhaite obtenir le paiement direct des prestations qu’il a exécutées ; 
2.
Cette obligation procédurale doit être respectée que les travaux aient été effectués en application de l’acte spécial, ou qu’il s’agisse de travaux supplémentaires ; 
3.
Le maître d’ouvrage engage sa responsabilité pour faute s’il a connaissance de la réalisation de prestations exécutées par le sous-traitant excédant celles prévues par l’acte spécial, ainsi que le montant maximum des sommes à verser par paiement direct, et qu’il s’abstient de mettre en demeure le titulaire du marché de régulariser la situation du sous-traitant. 

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.


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