Le fait qu’un salarié de la société attributaire ait été employé par l’acheteur public ne suffit pas à établir un manquement au principe d’impartialité
Conseil d'Etat , 23-05-2025, 500255 , Economat des Armées
C’est dans ce contexte que la société Wifirst a demandé au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Montreuil, d’annuler la procédure de passation s’agissant des lots n°1 et n°2 Par une ordonnance rendue le 19 décembre 2024, le juge des référés a fait droit à cette demande et a annulé la procédure de passation en ce qui concerne les deux lots en considérant que les principes d’impartialité et d’égalité de traitement n’avaient pas été respectés puisqu’un salarié de la société Passman avait précédemment été employé par l’Economat des armées. L’Economat ainsi que la société Passman se sont pourvus en cassation contre cette ordonnance.
En ce qui concerne le premier motif retenu, à savoir le manquement aux principes d’impartialité et d’égalité de traitement en raison de la circonstance qu’un salarié de la société Passman avait précédemment été employé par l’Economat des armées, le Conseil d’Etat distingue ici la question du manquement au principe d’impartialité, de celle du manquement au principe d’égalité entre les candidats. Le Conseil d’Etat s’inspire ici, comme le souligne le rapporteur public Labrune, de la solution retenue dans la décision « Syndicat mixte des ordures ménagères de la vallée de Chevreuse » du 12 septembre 2018 (n° 420454, 420512). Les faits se rapportant à cette décision sont relativement similaires à ceux de la décision commentée : le chef de projet au sein d'une société à laquelle a été confiée une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage en avril 2017 par une personne publique, a rejoint en décembre 2017, préalablement à la remise des offres, la société désignée attributaire n° 1 du marché correspondant. Dans cette affaire, le rapporteur public et le Conseil d’Etat effectuent alors une distinction claire entre la question du manquement à l’obligation d’impartialité et celle du manquement à l’obligation de traitement entre les candidats, le rapporteur public faisant même état d’une « confusion » du juge des référés entre ces deux notions.
Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat rappelle donc que « la seule circonstance qu'un salarié d'une société candidate ait été employé par l'acheteur est, par elle-même, insusceptible d'affecter l'impartialité de ce dernier. ». Cette solution repose sur un postulat qui peut paraître un peu naïf pour certains à savoir que l'acheteur public est « par nature » neutre vis à vis des candidats à l'obtention du marché, c'est à dire qu'il n'a aucun intérêt à privilégier l'un d'eux.
Jugeant sur le fond le dossier, le Conseil d’Etat va rejeter le motif d’annulation retenu par le juge des référés en estimant que la société Wifirst n’apporte aucun élément autre que le fait qu’un salarié de la société Passman avait précédemment été employé par l’Economat des armées pour démontrer une distorsion de concurrence. Pour asseoir sa position, le Conseil d’Etat considère que ce salarié, bien qu’ayant siégé au conseil d’administration de l’Economat jusqu’en mars 2023, n’avait pas participé à ses travaux depuis février 2022. De plus, toujours selon le Conseil d’Etat, les missions de conseil qu’il exerçait ne lui donnaient pas accès à des informations sensibles sur le marché.
Ce qu'il faut retenir