Les pourparlers transactionnels n’interrompent pas le délai de 6 mois pour saisir le juge

CAA Marseille, 08-06-2022, 19MA03354

L’échange de courriers relatifs à la conclusion d’un protocole transactionnel entre l’acheteur et le titulaire n’interrompt pas le délai de six mois pour former un recours en réclamation devant le juge du contrat

Par cet arrêt du 8 juin 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que des négociations entamées avec l’acheteur en vue de la conclusion d’un protocole transactionnel ne valent pas interruption du délai de recours de six mois, prévu par le CCAG-Travaux, laissé au titulaire pour introduire son mémoire en réclamation devant le juge.

En l’espèce, dans le cadre de la réalisation d’un projet d’aménagement, la commune de Marseille a attribué trois lots à prix global et forfaitaire à la société Goppion. Cette dernière a signé avec réserves les décomptes généraux de ces trois marchés de travaux et a adressé des mémoires en réclamation pour chacun des lots. Après une procédure transactionnelle infructueuse, elle a demandé, sans succès, au Tribunal administratif de Marseille de condamner la commune à lui verser la somme de 429 041,80 euros qu'elle estime lui être due en exécution des trois marchés en cause.

Pour confirmer le rejet de sa demande, la Cour administrative d’appel juge que la société a introduit trop tardivement son recours indemnitaire devant le juge du contrat.

En vertu des 3.2. et 3.3. de l’article 50 du CCAG-Travaux dans sa rédaction en vigueur résultant de l'arrêté du 8 septembre 2009 , lorsque le décompte général du marché a donné lieu à réclamation, le titulaire du marché dispose d’un délai de six mois à compter de la notification de la décision prise par l’acheteur pour la contester devant le juge. A l’issue de ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté la décision et toute réclamation est irrecevable. Ce délai peut être suspendu par la saisine d’un conciliateur ou d’un tribunal arbitral.

En l’absence d’autres cause d’interruption du délai de six mois fixé par les dispositions précitées, et d’autres cas de suspension que la saisine d’un conciliateur ou d’un tribunal arbitral, le titulaire qui n’a pas introduit son recours dans le délai imposé n’a d’autre choix que de prouver qu’il y a eu saisine d’un conciliateur ou d’un tribunal arbitral.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que les échanges de courriers entre la société et la commune « en vue de l'élaboration d'un projet de protocole transactionnel qui n'a finalement pas été conclu », n’ont « eu ni pour objet, ni pour effet, de recourir à la procédure de conciliation ou d'arbitrage telle que prévue à l'article 50.5 du CCAG-Travaux ».

Dès lors, en l’absence de recours à un tiers pour régler leur différend, le titulaire ne peut se prévaloir de cette cause de suspension du délai de six mois.

De plus, le juge administratif estime qu’il ne peut déduire de ces échanges que « la commune de Marseille aurait entendu, par ces seules discussions, renoncer à se prévaloir des modalités de contestation et du délai de recours prévus par les stipulations du contrat. »

Ainsi, quand bien même la commune a exprimé la volonté de négocier et de transiger, ces échanges ne peuvent lui être opposés par le titulaire pour démontrer qu’elle a entendu renoncer au délai de recours de six mois.

Ce qu'il faut retenir

1.
 Une tentative de conclusion de protocole transactionnel entre le titulaire et l’acheteur n’est pas assimilable à la saisine d’un conciliateur ou d’un tribunal arbitral, et ne peut donc suspendre le délai de six mois prévu à l’article 50 du CCAG 
2.
L’échange de courriers entre le titulaire et l’acheteur visant à conclure un protocole transactionnel ne vaut pas renonciation, de la part de l’acheteur, aux modalités de contestation et du délai de recours prévus par les documents contractuels

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.


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