Une expertise judiciaire ne peut être octroyée que si elle constitue le seul moyen d’établir les faits en cause
CAA DOUAI, 29-08-2022, 21DA01320
En l’espèce, la chambre des métiers et de l'artisanat de région du Nord-Pas de-Calais a confié, dans le cadre de la construction de son campus, un des lots à la société Demathieu et Bard construction nord. La réception des travaux a été prononcée « avec réserves » et « sous réserves ». Après lui avoir adressé son projet de décompte final, la société l’a mis en demeure de procéder à la notification du décompte général. Elle a également saisi le juge des référés afin qu’il désigne un expert pour apprécier les retards du chantier, les travaux supplémentaires et les travaux de reprise, pour fournir tous les éléments nécessaires à l’établissement des comptes entre les parties et pour déterminer les imputabilités. La société relève appel de l’ordonnance du 28 mai 2021 par laquelle le juge a rejeté sa demande.
La CAA de Douai rappelle tout d’abord qu’en vertu de l’article R. 532-1 du Code de justice administrative , le juge des référés peut prescrire tout mesure d’instruction, dès lors que cette mesure est « utile ». Le juge administratif apprécie l’utilité d’une mesure d’expertise en vérifiant que celle-ci remplit deux conditions cumulatives : elle doit être pertinente au regard du litige principal, et nécessaire eu égard aux éléments que les parties peuvent obtenir par d’autres voies .
D’une part, la mesure doit présenter un intérêt « dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher » .
A ce titre, le Conseil d’État a précisé que le juge ne peut faire droit à une demande d’expertise :
D’autre part, la mesure d’instruction demandée doit constituer « le seul moyen d’établir les faits en cause » pour la partie qui la sollicite. En effet, la demande doit être appréciée « au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens » (CE, 14 févr. 2017, Bernard, n° 401514) Dès lors que la partie peut établir les faits par d’autres voies, alors la mesure n’est pas utile.
Ainsi, lorsque la demande porte sur des éléments déjà connus ou ayant fait l’objet d’un constat par huissier , qu’une précédente mesure d’expertise a déjà été ordonnée , ou que les informations sollicitées sont publiques , le juge des référés ne fait pas droit à la demande.
En revanche, lorsque le requérant ne dispose pas d’assez d’éléments lui permettant d’établir avec précision le montant du préjudice , le juge prononce la mesure d’instruction demandée.
En l’espèce, la CAA de Douai fait une juste application de cette jurisprudence. Pour juger que la mission d’expertise demandée n’est pas nécessaire à la société requérante, elle se fonde sur les éléments suivis :
- L’absence de spécificité des travaux litigieux, dont l’examen ne nécessite pas l’intervention d’un « homme de l’art » et peut être réalisé par la société elle-même ;
- Le fait que la société ait réussi à chiffrer très précisément le montant du préjudice supposément subi ;
- Le fait qu’elle dispose de tous les moyens, notamment techniques, nécessaires pour établir le bien-fondé de ses prétentions, ainsi que les justifications factuelles à l’appui de sa demande.
Ce qu'il faut retenir