Par cet arrêt en date du 21 juin 2022, la Cour administrative d’appel de Douai rappelle qu’en l’absence de stipulations contraires, les prestations de chaque bon de commande donnent lieu à un règlement définitif à leur réception, sans avoir besoin d’attendre le terme du marché.
En l’espèce, le Grand Port Maritime de Dunkerque a conclu un marché de travaux à bons de commandes pour une période de quatre ans à compter du 1er juillet 2011. Il a émis des bons de commandes en avril 2015, les travaux ayant donné lieu à un procès-verbal distinct pour chaque bon, ainsi qu’à l’établissement de factures mandatées et réglées. La société attributaire a demandé au Tribunal administratif de Lille le versement des sommes correspondant au montant des travaux supplémentaires qu’elle estime avoir réalisées. Par un jugement du 25 avril 2020 dont la société relève appel, le juge administratif a rejeté sa demande et l’a condamnée à verser la somme due au titre des pénalités de retard.
La CAA de Douai rejette également la demande de la société attributaire en jugeant qu’elle ne pouvait présenter une nouvelle demande de paiement au titre des travaux supplémentaires, puisque le paiement des travaux ayant donné lieu aux différents bons de commande doit être considéré comme définitif.
Elle se fonde, pour ce faire, sur une jurisprudence claire du Conseil d’État, selon laquelle « en matière de marché de travaux à bons de commande, chaque commande donne lieu à des prestations propres pouvant faire l'objet d'une réception et d'un règlement dès leur réalisation », sauf si le contrat renvoie le règlement définitif de l’ensemble des commandes au terme du marché (CE, 3 oct. 2012, Sté Eiffage Travaux Publics Méditerranée, n°348476).
Le juge administratif considère qu’en raison du caractère homogène des commandes, celles-ci peuvent faire l’objet d’un paiement définitif à la réception, sans avoir besoin d’attendre le terme du marché. Ainsi, il ne s’agit pas d’un règlement partiel définitif, interdit par le Code de la commande publique pour les marchés de travaux (Art. R. 2191-26 du CCP) mais d’un règlement « fractionné » en fonction du nombre de commandes passées.
Cette jurisprudence invite les attributaires d’un marché à bons de commande à être particulièrement vigilants. En effet, dès lors que les travaux ayant donné lieu à commande ont été réceptionnés et ont fait l’objet d’un paiement, ce dernier devient définitif. Le cocontractant ne peut donc formuler une nouvelle demande en paiement par la suite, y compris s’il s’agit de travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service.
Sauf à respecter le délai de contestation du paiement prévu par les documents contractuels, le paiement ayant donné lieu au bon de commande doit être considéré comme définitif. Toute nouvelle demande de paiement est donc forclose.
En cas de travaux supplémentaires, l’attributaire doit donc en demander immédiatement le paiement en intégrant le cout de ces travaux dans la facture. Il appartiendra au maître d’ouvrage de contester cette facture en ne réglant que la partie des montants qu’il admet. Le surplus de la facturation fera l’objet d’une réclamation et éventuellement d’un règlement contentieux.
Il faut donc être particulièrement attentif au contenu du marché à bons de commandes, afin de savoir s’il prévoit ou non un règlement définitif au terme du marché. Dans son silence, chaque commande pourra faire l’objet d’un règlement définitif à sa réception.