Responsabilité quasi-délictuelle du maitre d’œuvre pour les prestations supplémentaires réalisées par l’entrepreneur

CAA Marseille , 09-01-2023, 20MA03419

La Cour administrative d’appel de Marseille, dans un arrêt du 9 janvier 2023, rappelle qu’il est difficile pour un entrepreneur de rechercher la responsabilité du maître d’œuvre, et ce même si ce dernier a commis des erreurs de conception /ou de suivi de chantier indéniables. 

Dans le cadre d’une opération de réhabilitation de logements, et après apparition de désordres lors de l’exécution des travaux, le titulaire d’un des lots du marché de travaux a saisi le tribunal administratif de Toulon afin d’obtenir la condamnation du maître d’œuvre à l’indemniser des préjudices subis en cours de chantier, qui a rejeté sa demande. Il relève appel du jugement. 

Par principe, l’entrepreneur peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle du maître d’œuvre, lorsque celui-ci méconnaît les dispositions législatives et réglementaires, les stipulations contractuelles qui les lient au maître d’ouvrage, ou les règles de l’art (CE, 11 oct. 2021, n°438872). 

Il ne faut néanmoins pas oublier que la mise en cause de la responsabilité quasi-délictuelle du maître d’œuvre obéit aux conditions classiques d’engagement de la responsabilité. L’entrepreneur doit, ainsi, démontrer qu’il a subi un dommage, que le maître d’œuvre a commis une faute, et qu’il existe un lien de causalité direct entre le dommage subi et la faute du maître d’œuvre. 

En l’espèce, une de ces conditions n’était pas remplie. 

En effet, le maître d’œuvre a bien commis une faute en choisissant des modèles de radiateurs et pompes de circulation à installer différents de ceux prescrits par les stipulations contractuelles. Ces erreurs ont conduit l’entrepreneur à devoir réaliser des prestations supplémentaires non intégralement rémunérées au bénéfice du maître d’ouvrage. 

Toutefois, la CAA relève que ces travaux supplémentaires ont été réalisés à la demande du maître d’ouvrage, après conclusion de divers avenants avec le titulaire. 

Ainsi, quand bien même les fautes commises dans l’exécution de sa mission par le maître d’œuvre ont conduit le titulaire à la réalisation de ces travaux supplémentaires, la demande d’exécution de prestations supplémentaires formulée par maître d’ouvrage rompt le lien de causalité direct nécessaire à l’engagement de la responsabilité du maître d’œuvre. 

Ce qu'il faut retenir

1.
L’entrepreneur peut engager la responsabilité quasi-délictuelle du maître d’œuvre pour des erreurs qu’il a commise dans l’exécution du contrat le liant au maître d’ouvrage 
2.
Le préjudice allégué par l’entrepreneur doit alors avoir été causé directement par la faute commise par le maître d’œuvre 
3.
La réalisation, par le titulaire, de travaux supplémentaires, rendus nécessaires par les erreurs commises par le maître d’œuvre, n’est pas un préjudice directement causé par le maître d’œuvre lorsque c’est le maître d’ouvrage qui exige la réalisation de ces travaux supplémentaires 
4.
Le maître d’œuvre, pour s’exonérer de sa responsabilité quasi-délictuelle, peut ainsi démontrer que les prestations supplémentaires exécutées à cause de ses erreurs, ont été commandées par le maître d’ouvrage

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.