Le demandeur qui obtient du juge des référés le bénéfice d’une provision n’a pas à la reverser lorsque sa demande au fond est rejetée pour irrecevabilité ou prescription
Par cette décision en date du 20 juillet 2022 et mentionnée aux Tables, le Conseil d’État juge que le demandeur ayant obtenu le bénéfice d’une provision et qui voit son recours au fond rejeter pour irrecevabilité ou prescription n’est pas tenu de la reverser.
En l’espèce, dans le cadre de la réalisation d’un lycée engagée en 1989, la région Guyane a réceptionné les travaux en 1993. Par une ordonnance du 27 février 2003, le juge des référés a octroyé à la région la somme de 4 166 910 euros à titre de provision en raison des désordres affectant ce lycée. Par un jugement du 28 février 2018 du Tribunal administratif de la Guyane, confirmé par un arrêt du 30 novembre 2018 de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le juge administratif a rejeté l’action au fond introduite par la région tendant à la réparation des dommages liés aux désordres, au motif que celle-ci était prescrite. Par un arrêt du 8 juin 2021 contre lequel la collectivité territoriale de Guyane se pourvoit en cassation, la Cour administrative d’appel de Bordeaux lui a ordonné de reverser la somme correspondant à la part de provision octroyée en 2003 non couverte par les assureurs du maître d’œuvre, et la somme correspondant aux frais irrépétibles de la procédure au fond.
Dans son arrêt, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a, jugé qu’aux termes de l’article R. 541-4 du code de justice administrative , « le demandeur qui a obtenu du juge des référés le bénéfice d'une provision doit la reverser en tout ou en partie lorsque le juge du fond rejette sa demande pécuniaire ou lui accorde une somme inférieure au montant de la provision, quand bien même l'ordonnance du juge des référés accordant une provision est devenue définitive et que la partie débitrice de cette provision n'a pas demandé au juge du fond dans les deux mois suivant la notification de cette ordonnance de fixer l'étendue de sa dette ». Elle a ainsi repris la jurisprudence du Conseil d’État issue de sa décision du 15 novembre 2017 .
Pour annuler cet arrêt, le Conseil d’État précise sa jurisprudence en jugeant que « le demandeur qui a obtenu du juge des référés le bénéfice d'une provision doit la reverser en tout ou en partie lorsque le juge du fond, statuant sur sa demande pécuniaire ou sur une demande du débiteur tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, décide que la créance invoquée n'est pas fondée ou qu'elle est d'un montant inférieur au montant de la provision ».
Le rejet par le juge du fond de la demande pécuniaire de celui qui a obtenu le bénéfice d’une provision ne suffit donc plus pour qu’il ait l’obligation de reverser cette provision. Il faut que le juge du fond ait expressément décidé que la créance invoquée est infondée.
Le Conseil d’État estime que « lorsque le juge du fond rejette la demande dont il est saisi pour un motif tiré de l'irrecevabilité ou de la prescription de l'action au fond », il ne se prononce pas sur le bien-fondé de la créance litigieuse.
De ce fait, le demandeur ayant bénéficié d’une provision sera tenu de la reverser uniquement si le juge du fond a décidé que la créance était infondée, ce qui ne peut se déduire du rejet de la requête pour irrecevabilité ou prescription, ou d’un montant inférieur au montant de la provision accordée.
Par cette décision, le débiteur qui conteste le bien-fondé ou le montant de la provision qu’il a dû verser est donc incité à saisir le juge du fond pour que celui-ci fixe le montant définitif de la dette, et à ne pas attendre que l’action au fond soit prescrite.