Le maître d'oeuvre peut voir sa responsabilité contractuelle engagée pour des désordres esthétiques 

CAA Marseille, 12-09-2022, 20MA02219

Par un arrêt du 12 septembre 2022, la Cour administrative de Marseille a rappelé que la nature purement esthétique d’un désordre ne peut suffire, à elle seule, à exonérer le maître d’œuvre de sa responsabilité contractuelle. 

En l’espèce, la commune a confié la maitrise d’œuvre d’un marché de construction d’un centre technique municipal à deux architectes et un bureau d’études techniques Setor. Par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de la commune tendant à la condamnation in solidum des architectes, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de lui verser la somme de 63 079,05 euros en réparation des dommages subis et imputables notamment à un défaut de suivi du chantier. Les architectes relèvent appel du jugement. 

La CAA rappelle le principe selon lequel les désordres affectant un ouvrage peuvent engager la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre qui a failli à sa mission de direction de l’exécution des travaux, quand bien même ceux-ci sont purement esthétiques. 

Ces désordres d’ordre esthétique tenaient au mauvais alignement des linteaux, au faux aplomb de l’acrotère, à l’absence de balancement de l’escalier et au niveau trop bas de la dalle du magasin. Selon la Cour, la maîtrise d’œuvre de l’opération aurait pu, dans le cadre de sa mission « DET », prendre toute mesure coercitive en vue d’exiger la reprise des malfaçons sans attendre la tenue des opérations préalables à la réception des travaux. 

Cette jurisprudence est suivie tant par le juge administratif, que par le juge judiciaire (CE, 24 nov. 2008, n°289778 ; Cour de Cassation, 3e civ., 8 juill. 2015, n° 14-12.307). 

Ainsi, la nature du désordre n’est pas un élément pris en compte par le juge pour exonérer ou non le maître d’œuvre de sa responsabilité contractuelle. 

En l’espèce, aucun élément ne pouvait exonérer les architectes de leur responsabilité, en l’absence de faute commise par la commune. Le juge a en effet considéré que la commune n’avait pas contribué à son propre préjudice en résiliant le contrat de l’entreprise de travaux, et que le préjudice résultant des désordres constatés était uniquement dû à une défaillance des architectes dans leur mission de direction de l’exécution des travaux. 

Ce qu'il faut retenir

1.
La nature purement esthétique des désordres ne peut, à elle seule, exonérer le maître d’œuvre de sa responsabilité contractuelle ; 
2.
Il appartient à la maîtrise d’œuvre, dans le cadre de sa mission DET, de prescrire des mesures coercitives afin de mettre fin aux désordres esthétiques constatées. 

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.


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