Par un arrêt du 10 octobre 2022, le Conseil d’État s’est prononcé sur les effets de l’achèvement de la mission de maîtrise d’œuvre d’un groupement conjoint, vis-à-vis des droits et obligations financiers incombant au mandataire solidaire de ce groupement.
Dans le cadre de la construction d’une médiathèque, la communauté d’agglomération du Grand Angoulême a conclu un marché de maîtrise d’œuvre avec un groupement conjoint, avec pour mandataire solidaire la société FRA Architectes. Le CCAP du marché de maîtrise d’œuvre précise que la mission du maître d’œuvre s’achève à la fin du délai de garantie de parfait achèvement, d’une durée d’un an, ou après la levée des réserves signalées lors de la réception de l’ouvrage, si la levée est plus tardive.
Après réception des travaux et fin de la garantie de parfait achèvement, le maître d’ouvrage a émis à l’encontre du mandataire un titre exécutoire. La société FRA Architectes a demandé au juge de la décharger du paiement de la somme demandée. Par un jugement du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande tendant à l’annulation du titre exécutoire. Par un arrêt du 3 juin 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement de première instance et déchargé la société de l’obligation de payer la somme demandée. Le maître d’ouvrage se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’Etat transpose ici la solution issue de la jurisprudence Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer à un marché de maîtrise d’œuvre (CE, sect., 6 avr. 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, n° 264490 ; CE, 20 mars 2013, Centre hospitalier de Versailles, n° 357636).
En application de cette jurisprudence, le juge administratif considère que :
- La réception des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage ;
- Le prononcé de la réception interdit au maître d’ouvrage d’invoquer par la suite des désordres apparents causés à l’ouvrage, ou des désordres causés aux tiers, même par la voie d'une action en garantie ;
- Le prononcé de la réception est toutefois sans incidence sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, puisque leur détermination intervient lors de l’établissement du solde du décompte général et définitif du marché.
En l’espèce, pour décharger le mandataire du groupement conjoint du paiement de la somme demandée par le maître d’ouvrage, la Cour administrative d’appel avait considéré que sa responsabilité ne pouvait plus être recherchée à compter de la date d’achèvement de la mission du groupement de maîtrise d’œuvre.
Le Conseil d’État annule cet arrêt en jugeant que l’achèvement de la mission du groupement de maîtrise d’œuvre a pour unique effet de mettre fin aux relations contractuelles entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage.
Par conséquent, l’achèvement de la mission du groupement de maîtrise d’œuvre est sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, liant le groupement conjoint au maître d’œuvre. Entre notamment dans cette catégorie l’engagement solidaire contracté par le mandataire solidaire.
A ce titre, le maître d’ouvrage pouvait donc demander au mandataire de lui verser les sommes dues, quand bien même la mission du groupement de maîtrise d’œuvre était achevée.