En procèdure restreinte, le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de communiquer les conditions de mise en oeuvre des critères de sélection des candidatures 

Conseil d'Etat , 12-10-2022, n°464074

Par une décision du 12 octobre 2022, le Conseil d’État réaffirme sa jurisprudence selon laquelle le pouvoir adjudicateur, qui décide de limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre, n’a pas à communiquer les conditions de mise en œuvre des critères de sélection dont il fait application. 
En l’espèce, par un avis d’appel public à la concurrence du 29 octobre 2021, Nantes Métropole a engagé une procédure négociée pour la passation d’un accord-cadre mono-attributaire de fourniture et de maintenance de postes de travail informatiques. Un groupement composé de deux sociétés qui souhaitait se porter candidat a été informé qu’il n’avait pas été admis à présenter une offre et a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes. Par une ordonnance du 3 mai 2022, ce dernier a annulé la procédure de passation en se fondant sur le moyen tiré de ce que la collectivité ne pouvait, en l’espèce, avoir recours à la procédure négociée pour attribuer l’accord-cadre.
Le Conseil d’État annule l’ordonnance en ce qu’elle se fonde sur ce moyen, et règle l’affaire au fond
Afin de déterminer si le refus opposé par la collectivité au groupement de présenter son offre est régulier, le juge administratif rappelle que lorsque le pouvoir adjudicateur entend limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre, il se doit « d'assurer l'information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. » Cela implique, pour le pouvoir adjudicateur, d’également indiquer « les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures. » (CE, 24 févr. 2010, Communauté de communes de l'Enclave des Papes, n°333569). Il s’agit là d’un rappel de l’obligation posée par l’article R. 2142-16 du code de la commande publique.
De même, le pouvoir adjudicateur qui entend fixer des niveaux minimaux de capacité doit les porter à la connaissance des candidats.
En revanche, le pouvoir adjudicateur n’a pas à indiquer les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures, sauf dans l’une des hypothèses suivantes (CE, 10 avr. 2015, Sté Automatismes Corses, n°387128) :
- Si initialement connues, ces conditions auraient été de nature à susciter d’autres candidatures ; 
- Si initialement connues, ces conditions auraient été de nature à retenir d’autres candidats.
Il appartient dès lors au juge de se prononcer sur l’obligation qu’avait, ou non, le pouvoir adjudicateur de communiquer les conditions de mise en œuvre des critères de sélection, selon que l’on se trouve ou non dans l’une des deux hypothèses. 
À titre d’illustration, le Conseil d’État a ainsi pu juger qu’un acheteur n’avait pas à communiquer la pondération qu’il avait retenue des critères de sélection, dès lors que cette pondération était équilibrée (CE, 10 avr. 2015, Sté Automatismes Corses, n°387128), puisqu’elle n’était pas susceptible d’influencer la préparation des candidatures. A contrario, si la pondération avait été déséquilibrée, la communication de cette condition d’évaluation du critère aurait pu être de nature à susciter d’autres candidatures, ce qui aurait justifié qu’elle figure dans l’avis d’appel public à concurrence.
En l’espèce, Nantes Métropole a pris en considération, dans son appréciation du critère relatif à la « qualité des références produites portant sur les prestations ayant un caractère similaire », le nombre d’utilisateurs atteint par les précédents clients des candidats. 
Le Conseil d’État juge que cette donnée n’est qu’une condition de mise en œuvre du critère de sélection, et non le critère lui-même. Il ne s’agit pas non plus d’un niveau minimal de capacité qui aurait dû être porté à la connaissance des candidats. Par principe, la condition n’avait donc pas à être communiquée préalablement.
Deplus, le juge estime qu’aucune des deux hypothèses présentées ci-avant n’est remplie puisque la communication de cette modalité de mise en œuvre n’aurait été ni de nature à susciter d’autres candidatures, ni de nature à retenir un autre candidat. 
Elle n’avait donc pas à être portée à la connaissance des candidats.

Ce qu'il faut retenir

1.
En procédure restreinte, le pouvoir adjudicateur doit communiquer les critères de sélection, ainsi que, le cas échéant les niveaux minimaux de capacité attendus, aux candidats 
2.
En procédure restreinte, le pouvoir adjudicateur n’a pas à communiquer les conditions de mise en œuvre de ces critères de sélection, tels que la pondération des critères, sauf si leur communication :  • Aurait été de nature à susciter d’autres candidatures. • Aurait été de nature à retenir un autre candidat.

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.


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