Le maître d'ouvrage peut inscrire au décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre le cout des travaux supplémentaires causés par une faute de conception
CAA Lyon, 20-10-2022, 20LY02007
En l’espèce, la métropole de Lyon a conclu un marché de maîtrise d’œuvre pour la construction d’une station d’épuration avec un groupement composé de deux sociétés. Les marchés de travaux ont été attribués à un groupement de quatre entreprises. Ces travaux ont été réceptionnés par la métropole le 26 février 2008. Elle a toutefois formulé des réserves durant le délai d’épreuve, prolongeant ainsi la garantie de parfait achèvement.
Le 13 juin 2018, la métropole de Lyon a notifié à la société Naldeo, membre du groupement de maîtrise d’œuvre, le décompte général du marché de maîtrise d’œuvre, mettant à sa charge les sommes de 125 000 euros et de 139 766,89 euros correspondant respectivement à la reprise de l'isolation phonique et du processus épuratoire de l'ouvrage. Par un jugement du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon, saisi par la société Naldon en contestation du décompte, l'a déclarée redevable envers la métropole de Lyon de 125 000 euros correspondant à la reprise des malfaçons affectant l'isolation phonique. La société a interjeté appel du jugement, et demandait à la Cour de retirer cette somme du débit du décompte. La métropole demandait à titre incident l’annulation du jugement, en ce qu’il a refusé d’imputer au débit du décompte la somme de 139 766,89 euros.
En vertu du principe de l’unicité de la réception portant sur un ouvrage, celle-ci met fin aux relations contractuelles de chacun des marchés, de travaux comme de maîtrise d'œuvre, passés pour sa réalisation (CE, sect., 6 avr. 2007, Centre hospitalier de Boulogne-sur-mer, n° 264490).
Elle vaut ainsi « pour tous les participants à l'opération de travaux, même si elle n'est prononcée qu'à l'égard de l'entrepreneur ». La réception de l'ouvrage emporte donc « réception de l'ensemble des prestations de maîtrise d'œuvre, y compris celles relatives à la conception de l'ouvrage » (G. PELLISSIER, conclusions sur CE, 2 déc. 2019, Sté Guervilly, Puig Pujol Architecture et Bâti Structure Ouest, n° 423544).
Dès lors que des travaux supplémentaires ont été exécutés avant la réception de l’ouvrage et qu’ils ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art, le décompte du marché fixe les droits et obligations financiers afférents à ces travaux.
S’agissant de la répartition du coût de ces travaux supplémentaires, en principe, « l'entrepreneur a le droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation d'un ouvrage dans les règles de l'art », ou conforme aux stipulations du marché, la charge définitive de cette indemnisation incombant alors au maître d’ouvrage (CE, sect., 17 oct. 1975, Cne de Canari, n° 93704).
Par exception, le maître d’ouvrage n’a pas à supporter cette charge lorsque le maître d’œuvre a commis une faute, et peut lui en demander réparation dans deux cas de figure (CE, 20 déc. 2017, Cté d'agglomération du Grand Troyes, n°401747) :
- D’une part, « lorsque la nécessité de procéder à ces travaux n'est apparue que postérieurement à la passation du marché, en raison d'une mauvaise évaluation initiale par le maître d'œuvre, et qu'il établit qu'il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s'il en avait été avisé en temps utile » ;
- D’autre part, « lorsque, en raison d'une faute du maître d'œuvre dans la conception de l'ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l'ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l'ouvrage si le maître d'œuvre n'avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants ».
Cette charge, qui constitue « une créance contractuelle, née de l'exécution du marché de maîtrise d'œuvre, doit être inscrite dans le décompte de ce marché. » .Quand bien même le décompte général du marché serait devenu définitif, cette circonstance ne fait pas obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage sur le fondement d’une telle créance contractuelle.
En l’espèce, la métropole de Lyon a imputé au débit du décompte le coût de la reprise des malfaçons affectant d’une part l’isolation phonique, et d’autre part le processus épuratoire de l'ouvrage.
S’agissant des malfaçons affectant l’isolation phonique, la CAA constate que le maître d’oeuvre dans l’établissement des documents du marché, n’a pas assez été précise dans les indications apportées aux entreprises cotraitantes et relatives au traitement acoustique.
Elle juge par conséquent, que la société n’a pas rempli sa mission de conception de l’ouvrage telle que définie dans le marché de maîtrise d’œuvre. Par conséquent, « le maître de l'ouvrage était fondé à inscrire au débit de son décompte le coût des travaux indispensables à la réalisation d'un ouvrage conforme aux stipulations du marché ».
S’agissant des malfaçons affectant le processus épuratoire de l'ouvrage, le juge administratif indique que la mission du maître d’œuvre ne comportait pas « la vérification de la validité des données prévisionnelles fournies par le maître de l'ouvrage », et qu’elle n’est pas responsable de la non-conformité des effluents effectivement reçus par la station. En l’absence de faute dans la conception de l’ouvrage commise par le maître d’œuvre, le coût de ces travaux supplémentaires ne peut être inscrit au débit du décompte général.
La CAA relève enfin que la métropole aurait pu rechercher la responsabilité contractuelle de la personne chargée de la mission normalisée « Plans d'exécution », puisqu’elle avait émis des réserves concernant ces malfaçons. Or, cette mission n’incombait pas à la société appelante.
Ce qu'il faut retenir