L’indemnité à allouer au candidat irrégulièrement évincé ne couvre pas les périodes de reconduction du marché

CAA Paris, 06-12-2022, 21PA00390

Dans cet intéressant arrêt, la cour administrative d’appel de Paris vient rappeler les règles qui entourent l’indemnisation d’un candidat irrégulièrement évincé d’une procédure aboutissant à la conclusion d’un marché à reconductions. 
Dans cette espèce, la Commune de Bora Bora a lancé une procédure d'appel d'offres, le 4 janvier 2019, en vue de l'achat de fournitures de papeterie pour les établissements scolaires. Par courrier du 27 février 2019, le maire de la commune a informé la SAS Office One que son offre n'avait pas été retenue, l'offre de la société " As de trèfle " ayant été choisie. La société requérante a présenté le 23 octobre 2019 une demande indemnitaire tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de son éviction de ce marché qu'elle estime irrégulière. Après le rejet de sa demande, elle a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française. Par un jugement du 24 novembre 2020, ce dernier a condamné la commune de Bora Bora à verser à la SAS Office One la somme de 18 300 F CFP. 
La société Office One a fait appel de ce jugement afin d’obtenir une indemnité de 5.185.184 F CFP calculée sur la durée totale du marché (période de reconductions comprises) de 4 années et sur la base d’un taux de marge annoncé de 35% 
La cour a donc été amené à trancher cette double demande de la société requérante.
Concernant, tout d’abord, la durée à prendre en compte pour calculer l’indemnité à verser à un candidat irrégulièrement évincé, la cour va rappeler un principe sévère pour une société requérante. Lorsqu’un marché est « susceptible de faire l’objet d’une ou plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s’y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en tant qu’il porte sur la période initiale du contrat et non sur les périodes ultérieures ». La cour prend le soin de préciser que cet état du droit s’applique même si les éventuelles reconductions présentent une nature tacite. 
Nous rajouterons que ce principe s’applique même si le titulaire irrégulièrement retenu a bénéficié de reconductions.
Cette solution qui a le mérité de préserver les deniers publics est sévère pour le candidat évincé.
Concernant la seconde question, la réponse de la cour est classique. Elle rappelle que le « manque à gagner doit être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l’avait obtenu et non la marge brute ». Il est intéressant de constater que la cour valide la position du tribunal qui a retenu, en l’espèce, un taux de marge nette de 0,37%. Pour aboutir à ce calcul, le tribunal, tout comme la cour, ont examiné le compte de résultat global de la société sur la dernière année. Ce compte de résultat présentant un taux de marge nette de la société de 0,37%, la juridiction a retenu ce pourcentage. 
Pour les collectivités publiques, il est donc intéressant pour minimiser l’indemnité susceptible d’être allouée à un candidat irrégulièrement évincé de se procurer le dernier bilan et de calculer le taux de marge nette globale de la société. Si la société tente de revendiquer un taux de marge plus important en invoquant le caractère plus rentable du marché litigieux (en l’espèce la société revendiquait un taux de marge de 35%) ; il lui appartient d’apporter cette preuve. Or cette preuve est difficile à apporter sauf à recourir à une expertise judiciaire. 

Ce qu'il faut retenir

1.
Le candidat irrégulièrement évincé a droit à une indemnité calculée uniquement sur la durée ferme du marché (hors reconduction). Il ne peut pas obtenir une indemnité pour les périodes de reconduction, y ce bien que les reconductions soient prononcées de manière tacite. 
2.
L’indemnité est calculée sur la base du taux de marge nette du candidat évincé. Faute d’autres éléments, le juge peut prendre en compte le taux de marge nette global du candidat évincé calculé sur la base du dernier bilan disponible. 

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.


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