Une déclaration d’aliéner deux parcelles dont l’une seulement est dans le périmètre de ce droit est irrecevable et doit être reformulée en scindant les biens vendus

CAA Lyon, 30-03-2023, n°22LY00878

Par un arrêt du 30 mars 2023, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que le titulaire du droit de préemption urbain, saisi d’une intention d’aliéner portant sur plusieurs unités foncières distinctes dont l'une seulement est comprise dans le périmètre du droit de préemption urbain, doit déclarer irrecevable cette déclaration et inviter le vendeur à en déposer une sur la seule unité foncière comprise dans le périmètre de préemption. 

En l’espèce, par une délibération en date du 3 juin 2021, le conseil municipal de la commune de Corpeau a exercé son droit de préemption urbain sur deux parcelles. Cette délibération intervient quelques semaines après que les propriétaires ont notifié à ladite commune, par une déclaration d’intention d’aliéner du 12 mai 2021, leur volonté de céder deux parcelles cadastrées section AB, sise au lieu-dit « B de Cave » et AE, sise au lieu-dit « B L’Huilier », en état de vignes, au prix global de 16 200 euros à M. G, preneur en place. 

M. G. a alors demandé au tribunal administratif de Dijon d’annuler cette délibération. Le tribunal administratif de Dijon fait droit à sa demande et annule intégralement la délibération susvisée. La commune de Corpeau interjette alors appel de cette décision devant la cour administrative d’appel de Lyon. 

Dans un premier temps, la cour rappelle les conditions d’exercice du droit de préemption urbain : 
« Pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent justifier, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement, répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient été définies à cette date, et faire apparaitre la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au cout prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ». 

Puis, la cour vient apporter des précisions quant à l’application spécifique des possibilités de préemption partielle, prévues par l’article L. 213-2-1 du Code de l’urbanisme : 

« si l'article L. 213-2-1 du code de l'urbanisme permet au titulaire du droit de préemption, lorsqu'une opération d'aménagement le justifie, d'exercer son droit de préemption urbain sur une fraction de l'unité foncière mise en vente qui est comprise dans une zone soumise à ce droit, et précise qu'en ce cas le propriétaire peut exiger du titulaire du droit de préemption qu'il se porte acquéreur de l'ensemble de l'unité foncière, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsqu'une déclaration d'intention d'aliéner porte sur deux ou plusieurs unités foncières distinctes dont l'une ou certaines seulement sont comprises dans le périmètre du droit de préemption urbain. De même, alors que la déclaration d'intention d'aliéner indique un prix global pour la vente de l'ensemble des unités foncières, les articles R. 213-8 et suivants du code de l'urbanisme, qui prévoient une procédure fixant des délais très précis aux deux parties pour prendre position sur la question du prix avant la saisine du juge de l'expropriation, sont inapplicables ». 

La cour justifie ensuite l’annulation intégrale d’une décision de préemption. Elle détaille ainsi dans un premier temps qu'une des deux parcelles distante d'environ 300 mètres de la parcelle cadastrée section AB litigieuse et du lieu-dit " B. de Cave ", n'est pas incluse dans l'emprise de l'opération projetée par la commune ni d'ailleurs dans le champ du droit de préemption urbain en raison de son classement en zone agricole.

Cette parcelle ne pouvait ainsi faire l'objet d'une préemption. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que, en ce qui concerne la parcelle cadastrée section AE, la délibération en cause a été prise en méconnaissance de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. 

Dans un second temps, la cour note qu'il est constant que les deux parcelles litigieuses constituent deux unités foncières distinctes. En l'espèce, l'existence d'une unique déclaration d'intention d'aliéner faisant état d'un prix global pour les deux unités foncières en cause fait obstacle à la possibilité pour la commune de préempter uniquement la parcelle cadastrée section AB. De même, cette circonstance ne permet pas, contrairement à ce que fait valoir la commune, de déterminer un prix moyen au mètre carré pour évaluer le prix de vente de la parcelle cadastrée section AB dès lors notamment que les deux parcelles en cause ne relèvent pas du même zonage et ainsi que leur valeur vénale, au mètre carré, ne peut être identique. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont regardé la délibération en litige comme un acte indivisible. 

Ce qu'il faut retenir

1.
Les unités foncières distinctes faisant l’objet d’une vente unique présentent un caractère indivisible
2.
Une déclaration d’aliéner deux parcelles dont l’une seulement est dans le périmètre de ce droit est irrecevable et doit être reformulée en scindant les biens vendus

À propos de l'auteur

Gautier Guarino

Diplômé du Master 2 Droit Public des Affaires de la faculté Panthéon-Sorbon et de l’Institut de Droit Public des Affaires (IDPA), Gautier est avocat depuis 2019.

Il avait précédemment travaillé au sein du Conseil d’Etat, d’une grande entreprise publique ainsi que dans des cabinets d’avocats français et internationaux.

Gautier conseille et assiste des personnes publiques et privées principalement dans le domaine de la commande publique et du droit public général. Il participe à des formations en droit public.


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