Communication des pièces et marché de substitution 

Conseil d’État, 05-04-2023, n°463554 , Ministre des armées c/ Sté Iveco

Par une décision du 5 avril 2023, le Conseil d’État précise qu’en cas de marché de substitution, le cocontractant défaillant ne peut se voir communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en exécution de ce marché qu’à condition de saisir l’administration contractante d’une demande en ce sens. 

Dans le cadre d’un marché public de service, la structure du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (Simmad) a résilié le contrat qu’elle avait conclu avec la société Iveco, à ses torts exclusifs. 

Après la passation d’un marché de substitution ayant le même objet que le marché initial, la Simmad a notifié à cette société deux décomptes provisoires mettant à sa charge le coût des dépenses supplémentaires dudit marché. Par la suite, la Simmad a émis deux titres exécutoires pour recouvrer le solde définitif du décompte de liquidation d’un montant de 2 096 488, 72 euros. Après réception du décompte général et définitif, la société Iveco France a présenté des mémoires en réclamation afin de vérifier la réalité des prestations exécutées et, par conséquent, contester les deux décomptes provisoires qui lui avaient été adressés. 

Cette dernière a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d’une demande tendant à l’annulation des titres exécutoires et à la décharge de l’obligation de payer cette somme. Concomitamment à cette instance, cette société a également saisi ledit tribunal d’une demande tendant à la réduction du solde négatif d’un montant de 57 204, 08 euros contre 2 096 488, 72 euros initialement. Le tribunal administratif a rejeté les demandes de la société. 

Après que la cour administrative d’appel de Bordeaux a fait droit à la demande de la société Iveco France, le ministère des armées se pourvoit en cassation. 

Le Conseil d’État rappelle que l’administration contractante peut passer, dans un délai de six mois à compter de la résiliation d’un marché initial aux torts exclusifs de son titulaire, un marché de substitution aux frais et risques du cocontractant défaillant, conformément à l’article 38 du CCAG MPI. 
Dès lors, le titulaire initial défaillant dispose d’un droit de suivi sur l’exécution du marché de substitution dans l’objectif de veiller à la sauvegarde de ses intérêts. En effet, les montants découlant des surcoûts supportés par l’administration, en raison de l’achèvement des prestations par un nouvel entrepreneur, sont à la charge du titulaire initial défaillant. 

Ainsi, le juge précise les obligations de l’administration en cas de passation d’un marché de substitution. L’administration contractante est tenue de notifier le marché de substitution au titulaire du marché résilié. En revanche, celle-ci n’est tenue de communiquer les pièces justifiant la réalité des prestations effectuées en exécution du nouveau contrat qu’à la condition d’être saisie, par le titulaire du marché résilié, d’une demande allant dans ce sens. 

En l’espèce, la société Iveco France avait contesté les deux décomptes provisoires par des mémoires en réclamation. Toutefois, la Simmad n’avait pas été saisi directement d’une demande, par la société Iveco France, de communication des pièces justifiant la réalité des prestations réalisées. 

Ainsi, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en considérant injustement que les mémoires en réclamation contestant les deux décomptes provisoires suffisaient à obtenir la communication des pièces susmentionnées. 

Ce qu'il faut retenir

1.
La communication des pièces justifiant la réalité des prestations d’un marché de substitution n’est une obligation pour l’administration contractante qu’en cas de demande formulée en ce sens par le titulaire du marché résilié ;
2.
La contestation des décomptes de résiliation par des mémoires en réclamation n’en constitue pas une. 

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.


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