Un constructeur n’est pas responsable auprès des autres constructeurs des fautes de son sous-traitant 

CAA Marseille, 27-02-2023, n°21MA02717

Par un arrêt du 27 février 2023, la Cour administrative d’appel de Marseille rappelle un état du droit (peu connu) : une entreprise n’est pas responsable des fautes de son sous-traitant auprès des autres constructeurs. Seul le maître d’ouvrage dispose, du fait de la loi, d’une action lui permettant de rechercher la responsabilité du titulaire d’un marché à raison des fautes commises par son sous-traitant. 

En l’espèce, dans le cadre de l’extension de l’hôpital Pasteur de Nice, le centre hospitalier universitaire de Nice a conclu un marché public avec la société Eiffage Energie Thermie Méditerranée. Cette dernière a décidé alors de sous-traiter, à la société Isolis, les opérations de désenfumage. Par ailleurs, les sociétés Dumez Côte d’Azur et Fayat Bâtiment, cotitulaires du lot « gros-œuvre », ont sous-traité, à la société Golfe Étanchéité, la réalisation de l’étanchéité provisoire sur les trémies, édicules, et joints de dilatation. C’est alors que des désordres, résultant d’infiltrations survenues sous étanchéité provisoire, sont apparus en cours d’exécution des travaux.

Les sociétés Eiffage et Isolis ont formé un recours indemnitaire afin d’obtenir la condamnation solidaire des sociétés Ingérop Conseil et Ingenierie, membre du groupement des maîtres d’œuvre, et des sociétés Dumez Côte d’Azur et Fayat Bâtiment à la réparation du préjudice résultant des dommages causés aux ouvrages qu’elles ont construit. Le tribunal administratif de Nice a fait droit à leur demande. Les sociétés condamnées ont donc décidé d’interjeter appel.

C’est dans ce cadre que la Cour vient apporter des précisions sur le régime de responsabilité qui s’applique en cas de fautes commises par un sous-traitant d’une entreprise titulaire d’un marché au regard de l’ancien article 113 du Code des marchés publics, désormais abrogé, et repris par l’article L. 2193-3 du Code de la commande publique. Cet article dispose qu’« en cas de sous-traitance, le titulaire demeure personnellement responsable de l’exécution de toutes les obligations résultant du marché ». Toutefois, ce principe ne s’applique que dans les relations entre le maître d’ouvrage et le titulaire du marché ayant sous-traité une partie des prestations. 

Les autres intervenants ne bénéficient pas de ce régime de responsabilité fixée par la loi. Dès lors, les titulaires d’un marché, autre que le maître d’ouvrage, « basculent » dans le droit commun. Concrètement, pour pouvoir engager la responsabilité quasi-délictuelle d’une entreprise, ils doivent démontrer que cette entreprise a commis une faute personnelle et directe à l’origine du dommage qu’ils ont subi. Tel n’est pas le cas si la faute à l’origine du dommage qu’ils ont subi a été commise par le sous-traitant, et non par l’entreprise principale. En cas de faute d’un sous-traitant, l’entreprise victime du dommage doit mettre en cause la responsabilité quasi-délictuelle du sous-traitant. 

En l’espèce, la société Golfe Étanchéité, en tant que sous-traitant des sociétés Dumez Côte d’Azur et Fayat Bâtiment, était chargée de l’étanchéité de l’ouvrage. Or, les sociétés Isolis et Eiffage ont engagé la responsabilité des sociétés Dumez Côte d’Azur et Fayat Bâtiment du fait des malfaçons liées à l’étanchéité en soutenant que ces sociétés étaient responsables des fautes commises par leur sous-traitant, à savoir la société Golfe Étanchéité.

Appliquant au cas d’espèce les principes pré-exposés, la Cour va censurer le jugement du TA de Nice en rappelant que les sociétés requérantes ne pouvaient obtenir la mise en cause de la responsabilité des sociétés Dumez Côte d’Azur et Fayat Bâtiment pour des faites commises par leurs sous-traitants. Pour la Cour, le tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit en condamnant solidairement les sociétés Dumez Côte d’Azur et Fayat Bâtiment en l’absence de toute démonstration d’une faute personnelle de leur part. 

Ce qu'il faut retenir

1.
Un constructeur n’est pas responsable auprès des autres constructeurs des fautes de son sous-traitant  ;
2.
Le constructeur qui s’estime victime d’une faute du sous-traitant doit engager la responsabilité quasi-délictuelle du sous-traitant. 

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.


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