Commet une erreur d’appréciation, le pouvoir adjudicateur retenant une offre ne respectant pas les conditions de recevabilité posées par le règlement de la consultation

Cass. Com., 14-04-2023, n°20-22.095

Par un arrêt du 13 avril 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que le principe d’égalité de traitement des candidats à un marché public implique que le pouvoir adjudicateur ne puisse, sans commettre une erreur d’appréciation, attribuer ledit marché à un candidat dont l’offre ne respecte pas les exigences du règlement de consultation et les conditions du cahier des charges.

En l’espèce, la société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes (SAGPC) a souhaité réaliser des travaux de signalisation à l’aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes. Pour ce faire, un appel à concurrence a été lancé en vue d’attribuer un marché de bon de commandes.

La société Rugoway, dont les offres n’ont pas été retenues, a introduit une requête en référé devant le tribunal judiciaire de Guadeloupe tendant à l’annulation de la décision de rejet de son offre et à enjoindre la SAGPC de reprendre la procédure afférente au marché au stade de l’analyse des offres.

Pour obtenir la sanction de la procédure, la société requérante soutenait, sans en apporter la démonstration, que le candidat retenu ne respectait pas les exigences minimales imposées au stade de la recevabilité des candidatures par le pouvoir adjudicateur (minimum de CA, références similaires, etc…). La société requérante soutenait, par conséquent, que la candidature de la société retenue aurait du être rejetée à ce titre.

Le juge de première instance a, toutefois, rejeté la demande de la société requérante en considérant qu’il appartenait à cette société d’apporter la preuve de sa démonstration. Faute de démonstration de la réalité factuelle de ses affirmations, sa demande a été rejetée.

La société Rugoway s’est donc pourvu en cassation. Et sans surprise, la Cour de Cassation a rapproché sa jurisprudence de la position du Conseil d’Etat. En cas de contestation de la recevabilité d’une candidature et/ou d’une offre, il appartient à l’acheteur de démontrer qu’il a retenu une candidature et/ou une offre recevable, c’est-à-dire une candidature et/ou une offre respectant les exigences du dossier du consultation et du cahier des charges.

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité d’un principe posé par la jurisprudence constante du Conseil d’État (CE, 7/2 SSR, 2 avril 2006, n°286443), permettant alors un alignement du contentieux judiciaire au contentieux administratif en matière de contrat de la commande publique.

Pour rejeter cette requête, le juge de première instance aurait dû rechercher si la société attributaire avait produit, à l’appui de sa candidature, les éléments justifiant de sa capacité économique et financière et ceux justifiant de sa capacité technique. Le seul fait que la société évincée ne soit pas en mesure de démontrer quels sont les éléments chiffrés et avancés par la société concurrente ne suffit pas à rejeter sa requête. 

Or, en l’espèce, le juge va constater que SAGPC a attribué le contrat à une société dont la candidature ne respectait pas les conditions de recevabilité posées par le règlement de consultation.  Au regard du principe d’égalité de traitement des candidats, l’attribution de ce contrat constitue un manquement aux obligations de mise de concurrence. Par ailleurs, la société Rugoway, société évincée, avait intérêt à agir dès lors que ses offres n’avaient pas été retenues lors de la procédure d’attribution.

Ainsi, l’acheteur privé est, désormais, soumis au même sort que l’acheteur public. Il devra, en cas de contentieux, démontrer au juge que le candidat qu’il a retenu a présenté une candidature respectant l’ensemble des conditions de recevabilité (CA minimum, références similaires, attestations réclamées, etc…) et que son offre était conforme aux exigences impératives du cahier des charges. Le « travail contentieux » du candidat évincé s’en trouve facilité. La charge de la preuve de ses allégations ne repose plus sur lui. Il lui suffit de critiquer la recevabilité de l’offre du candidat retenu et d’attendre les justifications de l’acheteur pour mieux les contrer. 

Ce qu'il faut retenir

1.
Le principe d’égalité de traitement des candidats implique que le pouvoir adjudicateur ne puisse, sans commettre une erreur d’appréciation, attribuer ledit marché à un candidat dont l’offre ne respecte pas les exigences et conditions du cahier des charges ; 
2.
En cas de contestations sur ce point, il appartient à l’acheteur de démontrer qu’il a retenu une candidature et/ou une offre respectant le règlement de la consultation et le cahier des charges. 

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.