Le Conseil d’Etat vient de clarifier l’état du droit concernant le point de départ de la garantie de parfait achèvement en cas de réception prononcée sous réserve de l’exécution par l’entrepreneur d’épreuves concluantes. L’état du droit est unifié par cet arrêt du Conseil d’Etat : que la réception des travaux ait été prononcée avec réserves ou sous réserve, la garantie de parfait achèvement commence, sauf stipulation contractuelle contraire, à courir à compter de la date de réception. Cette position du Conseil d’Etat clarifie le droit, mais peut faire perdre à la réception sous réserve une partie de son intérêt pratique comme le démontrer les faits de l’espèce.
Par un contrat conclu en 2012, la commune de Puget-Ville (département du Var) a confié à la société Idex Energies les trois lots d'un marché public de travaux ayant pour objet la construction d'un réseau de chaleur. Les travaux des trois lots ont fait l'objet, le 12 juillet 2013, de décisions de réception prononcées à la fois " sous " réserve de l'exécution de certaines prestations et " avec " réserves. Le 15 octobre 2019, la commune a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à la condamnation de la société Idex Energies à lui verser, à titre de provision, trois sommes de, respectivement, 49 569 euros, 30 921 euros et 437 075,10 euros, au titre du coût, toutes taxes comprises, des travaux de reprise de l'étanchéité du silo, des travaux de reprise de la chaudière à bois et de pénalités de retard. Le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Marseille ont rejeté la demande de provision déposée la Commune qui a donc saisi le Conseil d’Etat.
Il sera, tout d’abord, rappelé que le CCAG – Travaux (dans sa version de 2009 et 2021) prévoit la possibilité pour le maître de l’ouvrage de prononcer la réception des travaux sous réserve de l’exécution par l’entrepreneur d’épreuves, de tests ou d’essais concluants dès lors que ce dispositif est prévu initialement dans le marché. Ce mécanisme contractuel présente, à titre d’illustration une utilité pour les marchés d’espaces verts : les travaux d’espaces verts sont, ainsi, réceptionnés sous réserve que la pelouse ou que les espèces végétales poussent conformément aux exigences prévues dans le marché. Ce dispositif contractuel présente également une utilité pour les marchés comportant l’installation d’équipements techniques : les travaux sont ainsi réceptionnés sous réserves que les équipements techniques installés atteignent dans un laps de temps les objectifs contractuels définis par le CCTP.
Le CCAG-Travaux prévoit, dans ce cas, que si les épreuves, les tests ou les essais exécutés ne sont pas concluants, la réception est « rapportée » (article 41.4 du CCAG – Travaux 2009) ou « retirée » (article 41.4 du CCAG – Travaux de 2021)
Dans le cas d’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du Conseil d’Etat, le désordre affectant l'étanchéité du silo n'a été ni réservé au moment de la réception, ni signalé dans le délai d'un an de la garantie de parfait achèvement.
La cour administrative d’appel de Marseille et le Conseil d’Etat vont considérer que la garantie de parfait achèvement d’un an commence à courir à la date de réception que la réception ait été prononcée avec réserves ou sous réserve de la réalisation d’épreuves concluantes. Appliquée au cas d’espèce, cette solution conduit le Conseil d’Etat a confirmé la position de la cour administrative d’appel de Marseille et à rejeter le recours de la Commune. Dans l’année suivant la réception sous réserves du réseau de chaleur, la collectivité n’a effet pas signalé à l’entrepreneur la problématique d’étanchéité affectant le silo du réseau de chaleur. De plus, la Commune ne peut pas rechercher la responsabilité décennale de la société Idex puisque son action en première instance ne tendait qu’à engager la responsabilité contractuelle de cette société. Il faut qu’elle engage, si elle est encore dans les délais, une nouvelle action sur le fondement de la responsabilité décennale.
Prévoir un dispositif de réception sous réserve de réalisation d’épreuves concluantes ne préserve donc pas automatiquement les intérêts du maître d’ouvrage. Ce dernier doit réaliser les épreuves, les tests ou les essais prévus contractuellement dans l’année qui suit la date d’effet de la réception. Et si ces tests ne s’avèrent pas concluants, il doit s’adresser à l’entrepreneur afin de l’informer que la décision de réception est retirée. Si le maître d’ouvrage n’accomplit pas cette formalité, le dossier va sur le plan juridique suivre le « droit commun » applicable à une réception avec réserves. En cas d’épreuves non concluantes, le maître d’ouvrage qui ne retire pas la décision de réception, doit, ainsi, au moins signaler les désordres auprès de l’entrepreneur dans le délai d’un an afin de mettre en œuvre la garantie de parfait achèvement.
L’entrepreneur qui reste donc silencieux en ne signalant pas les désordres dans le délai d’un an ou ne retirant pas la décision de réception perd la possibilité d’engager la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur. La présence d’épreuves non concluantes ne permet donc pas de prolonger « automatiquement » la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur après la réception. La prolongation de la responsabilité contractuelle après réception suppose donc une action du maître de l’ouvrage : soit une décision de « retrait » de la décision de réception, soit le signalement dans le délai d’un an des désordres auprès de l’entrepreneur afin de déclencher la garantie de parfait achèvement.