Attention à bien notifier le marché de substitution au prestataire défaillant
CAA Toulouse , 08-11-2022, 20TL01787
Lorsque l’entrepreneur ne respecte pas les dispositions d’un marché de travaux, le maître d’ouvrage peut le mettre en demeure de s’y conformer. Si celui-ci n’a pas déféré à la mise en demeure, l’acheteur peut alors prononcer la mise en régie des travaux.
La faculté de procéder à une telle mise en régie constitue une règle générale applicable aux contrats administratifs, c’est-à-dire une règle d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent déroger, et qui s’applique même en cas de silence du contrat.
Pour ce faire, le titulaire défaillant doit être mis à même de suivre tant la passation (CE, 17 mars 1972, Figaroli, n° 76453) du nouveau marché, que son exécution (CE, 9 juin 2017, Sté Entreprise Morillon Corvol Courbot, n° 399382).
Il doit pouvoir vérifier que le nouveau marché à un objet équivalent à celui qu’il a conclu, ou qui doit permettre de parvenir au même résultat (CE, sect., 28 janv. 1977, Ministre de l’Économie c/ Société Heurtey, n°99449) afin de le contester à défaut.
Le juge administratif estime que le titulaire dispose de ce droit de suivi lorsque le maître d’ouvrage notifie à son cocontractant sa décision de passer un nouveau marché à ses risques et périls, ainsi que la désignation du titulaire du marché de substitution.
En l’absence de notification avant le commencement des travaux, le titulaire défaillant ne peut être tenu de supporter les conséquences onéreuses résultant de la passation et de l’exécution de ce marché (CE, 14 mars 1967, Sté Technical, n° 65988 ; CE, 9 oct. 1989, Crédit industriel et commercial, n° 84503).
En l’espèce, la société d'aménagement et d'équipement du Gard (SEGARD), mandataire de maîtrise d’ouvrage du centre hospitalier du Vigan, a attribué le lot n°3 du marché de travaux à la SARL Gardoise de Bâtiments et Construction. Après avoir relancé et mis en demeure le titulaire du marché, la SEGARD a résilié le contrat pour faute, à ses frais et risques. Par un jugement du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête de la SARL tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 50 920,01 euros TTC en réparation des préjudices subis. Le centre hospitalier relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle de condamnation de la SARL Gardoise de Bâtiments et Construction à lui verser la somme de 70 775 euros HT au titre des marchés de substitution qu'elle a conclus.
La CAA rappelle d’abord la jurisprudence administrative en matière de mise en régie. Elle énonce en effet que « le cocontractant défaillant doit être mis à même de suivre l'exécution du marché de substitution ainsi conclu afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts », et que « la notification faite au cocontractant défaillant par le pouvoir adjudicateur de la décision de conclure un marché de substitution, avant que ce marché n'ait reçu exécution, met suffisamment à même ce cocontractant d'en suivre l'exécution. »
Les juges d’appel confirment ensuite la solution retenue par les juges de première instance. La SEGARD a en effet notifié au titulaire défaillant sa décision de passer un marché de substitution, mais n’a pas pu apporter la preuve de ce que la notification est intervenue avant la mise à exécution du marché de substitution.
Par conséquent, en l’absence de notification régulière, le titulaire défaillant n’était pas tenu de supporter les surcoûts engendrés par la passation et l’exécution du marché de substitution.
Ce qu'il faut retenir