Attention au délai de 45 jours pour contester le décompte de liquidation 

Conseil d'Etat, 27-01-2023, 464149

Par une décision du 27 janvier 2023, le Conseil d’État a jugé que la notification, même tardive, du décompte de liquidation d’un marché de travaux après sa résiliation, fait courir le délai de 45 jours laissé au titulaire pour le contester.
En l’espèce, dans le cadre d’un marché de travaux, le centre hospitalier Louis-Daniel Beauperthuy a confié l’exécution d’un lot à la société GETELEC TP. À la suite de difficultés dans l’exécution du marché, l’acheteur public a prononcé la résiliation du contrat le 5 novembre 2019. Le 10 août 2020, il a notifié à la société le décompte de liquidation fixant le solde du marché. Le 1er octobre 2020, la société a informé le centre hospitalier de son refus de signer le décompte de liquidation et transmis un mémoire en réclamation, que le centre a rejeté le 9 novembre 2020.
La société a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, qui a ordonné la mesure sollicitée, de désigner un expert afin de déterminer les quantités de travaux qu’elle a réalisés, les causes des retards qu’elle a subis, ainsi que le montant des préjudices qui en ont résulté. Le centre hospitalier se pourvoit en cassation contre l’ordonnance par laquelle le juge des référés de la cour administrative de Bordeaux a rejeté son appel contre l’ordonnance ayant prescrit l’expertise.
Le Conseil d’État, pour annuler les ordonnances des juges des référés du tribunal administratif et de la cour administrative d’appel, rappelle tout d’abord qu’en cas de résiliation du marché de travaux, le décompte de liquidation se substitue au décompte général qui aurait été établi en l’absence de résiliation.
De ce fait, en l’absence de stipulation particulière relative au décompte de liquidation du marché, l’établissement et la contestation de celui-ci sont régis par les articles 13 et 50, relatifs au décompte général, du CCAG applicable aux marchés de travaux. 
En vertu de l’article 13.4.2 du CCAG, le pouvoir adjudicateur dispose d’un délai de deux mois pour notifier au titulaire du contrat le décompte général, et par substitution, le décompte de résiliation.
Le juge administratif nuance, par cette décision, la portée de cette obligation. En effet, l’expiration du délai permet uniquement au titulaire de mettre en demeure l’acheteur d’établir le décompte, et faute de réponse dans un délai de 30 jours, de saisir le juge. Ainsi, le décompte produit les mêmes effets, qu’il ait été notifié durant ce délai de deux mois ou non.
Par conséquent, le non-respect, par le pouvoir adjudicateur, de ce délai, fait tout de même courir le délai de 45 jours fixé par l'article 13.4.4 du CCAG, durant lequel le titulaire du contrat doit renvoyer le décompte signé ou doit faire connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer, à peine d’être regardé comme ayant tacitement accepté ce décompte.
Le non-respect du délai de 2 mois laissé au pouvoir adjudicateur pour notifier le décompte, général ou de liquidation, ne permet pas au titulaire du contrat de méconnaître le délai de 45 jours qui lui est imparti pour contester ce décompte.  
En l’espèce, le centre hospitalier n’avait pas respecté le délai de deux mois pour notifier le décompte de liquidation. Le juge des référés avait alors considéré que le document notifié ne pouvait tenir lieu de décompte de liquidation, et que le non-respect, par l’entreprise, du délai de 45 jours pour le contester ne pouvait lui être opposé. 
Le Conseil d’État juge que le non-respect par l’acheteur du délai de deux mois pour procéder à la notification n’est pas une condition de validité du décompte de liquidation. Par conséquent, le délai de 45 jours était bien opposable à la société.
N’ayant pas respecté ce délai, et en l’absence de contestation de la résiliation du marché, le décompte est devenu définitif. Le juge des référés ne pouvait donc faire droit à la demande d’expertise formulée.

Ce qu'il faut retenir

1.
Les articles 13 et 50 du CCAG applicable aux marchés de travaux, relatifs à l’établissement et à la contestation du décompte général, régissent également le décompte de liquidation : • Lorsque le marché de travaux a été résilié ; et • En l’absence de stipulation particulière relative au décompte de liquidation.
2.
Le titulaire du marché doit toujours respecter le délai de 45 jours imparti pour contester le décompte qui lui a été notifié, quand bien même la notification de ce décompte par l’acheteur serait intervenue après le délai de deux mois imposé par le CCAG. 
3.
L’absence de contestation de la résiliation du marché en elle-même, ainsi que l’absence de contestation du décompte de liquidation dans le délai imparti rendent le décompte notifié définitif. 

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.


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