Le titulaire doit avoir été mis à même de transmettre son projet de décompte final au maître d’œuvre, même en cas de résiliation du marché de travaux, à peine d’irrégularité du décompte établi d’office

CAA Marseille, 30-01-2023, 21MA00813 , Société Buffagni Construction

Par un arrêt du 30 janvier 2023, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que même en cas de résiliation d’un marché de travaux, le titulaire doit avoir été mis à même de transmettre son projet de décompte final, à peine d’irrégularité du décompte de liquidation établi d’office. 

Dans le cadre d’un marché public de travaux, une commune a souhaité résilier le contrat qu’elle avait conclu avec le titulaire du lot A. Après l’avoir informé de sa décision de résilier, elle lui a transmis le décompte de liquidation du marché. Après réception de ce décompte, la société a présenté un mémoire en réclamation. Elle a par suite saisi le tribunal administratif de Nice afin qu’il condamne de la commune à lui payer la somme de 250 831,99 euros au titre du solde du marché. La commune arguait en défense que la contestation de la résiliation et du décompte de liquidation était tardive. Le tribunal administratif a rejeté la demande de la société. 

La CAA rappelle qu’au regard des pièces contractuelles du marché ayant fait l’objet de la résiliation, la procédure d’établissement du décompte de liquidation d’un marché résilié est régie par les stipulations de l’article 13.3.2 du CCAG-Travaux applicable au marché.

En vertu de cet article, le projet de décompte final doit être transmis au maître d’œuvre par le titulaire :
- Soit de manière spontanée, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux ; 
- Soit, en cas de retard ou en l’absence de transmission spontanée, après avoir été mis en demeure de le faire par le maître d’œuvre.

Ce n’est que lorsque la mise en demeure adressée à la société est restée sans effet que le maître d’œuvre peut établir d’office le décompte final aux frais du titulaire. 

La CAA juge que ces stipulations s’appliquent même en cas de résiliation du marché. Ainsi, « un décompte de liquidation établi sans que l'entrepreneur ait au préalable présenté son projet de décompte final ou ait été mis en demeure de le faire est irrégulier. » 

L’irrégularité du décompte est sanctionnée par l’inopposabilité : 
- Du délai de trente jours à compter de la notification du décompte général durant lequel le titulaire doit transmettre son mémoire en réclamation ;
- Du délai de six mois, à compter de la notification de la décision expresse ou implicite rendue par le pouvoir adjudicateur après réception du mémoire en réclamation, pour saisir le tribunal compétent. 

En l’espèce, la société n’a pas transmis son projet de décompte final dans le délai stipulé, et n’a pas été mise en demeure de le faire par le maître d’œuvre. Le décompte dressé d’office par la commune est donc irrégulier. Ne pouvait donc pas lui être opposée la tardiveté de la contestation du décompte. 

Ce qu'il faut retenir

1.
La résiliation du marché de travaux ne fait pas obstacle à l’application des stipulations du CCAG-Travaux relatives à la procédure d’établissement du décompte de liquidation, en l’absence de dispositions spécifiques prévues par l’article 47 du même cahier 
2.
Le titulaire doit avoir été mis à même de transmettre son projet de décompte final au maître d’œuvre, même si le marché a été résilié ; 
3.
Le décompte de liquidation établi d’office par le maître d’ouvrage, c'est-à-dire en l’absence de prononcé d’une mise en demeure de transmettre son projet de décompte à l’encontre du titulaire, est irrégulier ; 
4.
La sanction de cette irrégularité est l’inopposabilité au titulaire des délais de transmission de son mémoire en réclamation et de saisine du juge administratif en contestation du décompte. 

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.


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