Une falaise ne constitue pas un ouvrage public 

TA Marseille , 31-03-2023, 2009980 , Région PACA

Par un jugement du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a considéré qu’une falaise n’est pas un ouvrage public et que la chute d’un de ses éléments (un rocher) n’engage pas la responsabilité pour défaut d’entretien de la collectivité publique propriétaire de ladite falaise. 

Les faits à l’origine ce de dossier sont dramatiques. C’est ainsi que, le 8 février 2014, alors qu’il circulait en direction de Digne-les-Bains et se trouvait à proximité de la commune de Saint-Benoît, l’autorail n° 43 des Chemins de fer de Provence dénommé « train des pignes » a été percuté par un rocher qui s’est décroché de la falaise surplombant la voie ferrée, provoquant le déraillement du train, dont la première rame s’est renversée dans le talus en contrebas, séparant la voie ferrée de la RN 202. L’accident a causé la mort de deux des passagers du train, et en a blessé plusieurs autres ainsi que son conducteur. Il a en outre occasionné d’importants dommages matériels au train, à la voie ferrée et à ses équipements, ainsi que divers préjudices résultant de l’interruption du trafic jusqu’au 5 juin 2014. 

La région PACA a saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande tendant à obtenir la condamnation de l’État, en réparation des préjudices causés par l’accident (398.297 euros), sur le fondement, à la fois, de la responsabilité contractuelle, de la responsabilité pour dommages de travaux publics et de la responsabilité pour faute de celui-ci. 

Après avoir écarté la responsabilité contractuelle de l’État, fondée sur le contrat État-région, le tribunal écarte la possibilité d’engager la responsabilité de l’État du fait de dommages de travaux publics. 

Pour ce faire, le tribunal suit un raisonnement en deux temps. 

En premier lieu, se posait la question de savoir si la falaise constitue ou non un ouvrage public. Si tel est le cas, la Région PACA pourrait ainsi invoquer son statut de victime d’un dommage de travaux publics. Il appartiendrait alors à l’Etat de démontrer le bon entretien de la falaise. Le tribunal administratif de Marseille va écarter cette qualification en considérant, assez logiquement à notre sens, qu’une falaise constitue un ouvrage naturel qui ne peut recevoir la qualification d’ouvrage public. En effet, par définition, l’ouvrage public est un bien immobilier ayant fait l’objet d’un aménagement afin de répondre à une mission de service public ou d’intérêt général. Faute d’aménagement, c’est-à-dire d’intervention de « la main de l’homme », une falaise ne peut constituer un ouvrage public et demeure un ouvrage naturel.

En second lieu, une fois écartée la problématique de la qualification juridique de la falaise, restait à résoudre la question des filets de protection installés par l’Etat sur la falaise. A la différence de la falaise, il est indéniable que les filets de protection constituent un ouvrage public. 

Toutefois, et le jugement est intéressant sur ce point, le tribunal administratif de Marseille rappelle que ces filets de protection constituent un accessoire de la voirie, et plus précisément de la RN 202, route nationale sous la maîtrise d’ouvrage de l’Etat. 

Donc, oui, les filets de protection installés sur la falaise, en leur qualité d’accessoires à la voirie nationale, constituent des ouvrages publics. Toutefois, pour bénéficier du statut de victime d’un dommage de travaux publics, la région PACA devait démontrer qu’elle était usagère des filets de protection placés sur la falaise, et donc usagère de la route nationale. 

Or, la région PACA ne peut pas se voir reconnaître le statut d’usagère de la route nationale, et donc des filets de protection installés sur la falaise, dès lors que le train ne circulait pas sur la route nationale et que l’infrastructure ferroviaire victime de la chute du rocher est séparée de la route nationale. 

On peut se demander si la solution du tribunal n’aurait pas été différente si la région PACA avait invoqué le statut de tiers à un ouvrage public, et non le statut d’usagère de l’ouvrage public. 

La région PACA ne se voit donc pas reconnaître le statut de victime d’un dommage de travaux publics puisque, d’une part, une falaise n’est pas un ouvrage public, et d’autre part, elle n’a pas la qualité d’usagère de la voirie nationale dont les filets de protection de la falaise sont un accessoire. 

Enfin, le tribunal écarte également la responsabilité de l’État du fait de la faute commise par le centre d’études techniques de l’équipement méditerranéen (CETE), service déconcentré de l’État. Les fautes commises par ce service ne peuvent être regardées comme des causes directes à l’origine des préjudices subis par la Région, contrairement aux moyens invoqués par celle-ci. 

Ce qu'il faut retenir

1.
Une falaise ne constitue pas en tant que tel un ouvrage public ;
2.
Les filets de protection installés sur une falaise constituent des accessoires à la voirie publique située en contre-bas de la falaise ; Seul l’usager de la voierie publique victime de la chute d’un rocher peut, dès lors, invoquer le statut de victime d’un dommage de travaux publics. 

À propos de l'auteur

Antoine Alonso Garcia

Inscrit au Barreau de Paris depuis 1999, j'ai créé ma propre structure en 2007.

J’interviens essentiellement dans la conduite de projets publics, tant pour les maîtres d’ouvrage publics (gestion de la passation et de l’exécution des contrats) que pour les entreprises (réponse à appels d’offres, gestion des litiges d’exécution). Cette pratique intensive des projets publics m’a naturellement amené à développer une compétence en matière en droit de la construction (publique et privée) et en droit des assurances.

Maître de conférences pour le cours de droit de l’Ecole des Ponts et Chaussées, j'anime aussi de nombreuses formations en droit de la commande publique et en droit de la responsabilité administrative.

J'ai obtenu en 2020 la mention de spécialisation en droit public

J'ai créé en 2023 le Cabinet CORAL Avocats.